Liberté d’expression : la presse guinéenne au rendez-vous de tous les combats

Article : Liberté d’expression : la presse guinéenne au rendez-vous de tous les combats
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3 mai 2023

Liberté d’expression : la presse guinéenne au rendez-vous de tous les combats

Nous sommes le 3 mai 2023, c’est la journée internationale de la presse. Célébrée tous les 3 mai, la journée de cette année a pour thème « Façonner un avenir de droits : La liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’homme ».

La liberté d’expression, qui est un ensemble d’opinions exprimées de diverses manières et par différents acteurs, a beaucoup œuvré pour la jouissance et la protection des droits de l’homme en Guinée. Si son affirmation s’est largement épanouie grâce aux œuvres artistiques, sociétales ou civiques en Guinée, la presse a joué un grand rôle dans la liberté d’expression pour protéger les citoyens des violations répétées des droits de l’homme et de sa jouissance.

La lutte contre le troisième mandat !

C’est le cas par exemple de la lutte contre le troisième mandat, où des milliers – voire des millions – de Guinéens ont protesté contre une modification de la Constitution ouvrant la voie à un troisième mandat du président Alpha Condé. Si les manifestations étaient à l’origine sporadiques en vue de décourager les promoteurs, en octobre 2019, les hostilités ont commencé. Les Guinéens ont assisté à des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre par des jets de pierres contre gaz lacrymogènes. Et à cet effet, la presse n’est pas restée en marge de ce combat en donnant la parole à tout le monde.

C’est le début de la contestation d’une éventuelle modification constitutionnelle par le Front National pour la Défense de la Constitution pour barrer la route au président Alpha Condé. La lutte entamée, les acteurs de la société civile et politique commencent à communiquer afin de faire adhérer les Guinéens au combat dans lequel le FNDC s’est livré.

Jacques Lewa, directeur d´Espace TV. CF : DAB

La presse et la liberté d’expression, « les deux vont ensemble »

Ce combat contre tout troisième mandat s’est fait à travers la communication tant audiovisuelle qu’écrite pour des raisons stratégiques, nous explique Jacques Lewa Leno, directeur d’Espace TV : « Les deux vont ensemble, la presse est un moyen par lequel la liberté d’expression peut s’appliquer. Là où la presse écrite est un peu moins plus efficace que les autres, c’est par sa capacité à couvrir un espace géographique beaucoup plus large et puis, sa capacité à s’introduire partout. La radio, par exemple, peut couvrir toute la planète. »

Ces luttes tous azimuts – marquées par des arrestations, des emprisonnements, et le musellement de certains médias et journalistes – ont abouti à la prise du pouvoir par l’armée en septembre 2021. En dépit de tout, la presse est restée à sa place pour jouer son rôle de chien de garde au sein de la société. Et ceci non sans difficulté. D’autres médias étaient dans le viseur des autorités d’alors, où « elles ont utilisé une méthode bien simple », affirme Jacques Lewa Lenon. « Vous avez la liberté de vous exprimer, mais nous ne vous donnons pas l’information, malgré la loi de la liberté d’accès à l’information publique », déplore-t-il.

Une liberté fondamentale

À cela, il faut ajouter que la liberté d’expression est consacrée même par l’ONU. Ainsi, dans les locaux d’Amnesty International Guinée, où nous avons échangé avec le directeur exécutif, il y a sur le mur du bâtiment, une affiche de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression. Souleymane Sow, directeur d’Amnesty Guinée, reconnaît que si la presse a été en faveur de la liberté d’expression pour la jouissance des autres droits de l’homme comme l’explique Jacques Lewa Leno, cela a aussi atténué ses violations répétées des droits de l’homme.

« Aujourd’hui, le Gouvernement guinéen, n’importe lequel, en voulant faire un mauvais acte, réfléchirait dix mille fois pour que ça ne sorte pas dans les médias. Parce que, si jamais, les journalistes sont au courant, cela va créer des soulèvements, des protestations ou autres », martèle-t-il.

La presse, témoin de toutes les époques

En Guinée, cette jouissance et protection qu’apporte la liberté d’expression aux autres droits de l’homme ne date pourtant pas d’aujourd’hui. Pour remonter le fil de l’histoire, nous avons fait appel aux souvenirs et expertises d’une grande voix de la presse guinéenne. Il s’agit d’Odilon Théa, soixante ans de carrière, dont 33 ans d’exercice effectif en tant que journaliste et 27 ans en tant qu’enseignant et consultant dans le métier de l’information.

Du haut de ses 81 ans, Odilon se souvient des époques difficiles comme si c’était hier. Pour lui, les droits de l’homme ont été favorisés par la liberté de l’expression à travers la presse, même aux temps de la révolution d’Ahmed Sékou Touré. D’où, l’existence des journaux comme le Horoya, « Liberté » en français, censé permettre aux journalistes et citoyens d’émettre des opinions. Même si « à l’époque, c’était la révolution avec un parti unique », explique Odilon. « Mais, n’empêche qu’à côté, il y avait des gens qui n’étaient pas d’accord, qui avaient leur manière de l’exprimer. Mais c’est toujours avec la presse, soit celle nationale ou internationale. » renchérit-il.

Odilon Théa, ancien journaliste de la RTG. CF : DAB

Briser le monopole

Le décès d’Ahmed Sékou Touré et l’arrivée des militaires aux pouvoirs va permettre « de briser le monopole qu’avait la presse de la révolution », explique Odilon Théa. Ce, avec l’arrivée dans les années 90 des journaux comme Le Lynx, L’Indépendant, « qui se sont beaucoup battus pour la protection des droits de l’homme dans ses années d’élections pluralistes et d’oppressions de l’opposition », se souvient-il, avant d’ajouter, d’un sourire esquissé « c’étaient même les belles époques de la presse. »

De belles époques du journal papier, renforcées par l’avènement du premier quotidien en ligne, Guineenews, en octobre 1997. Le site d’information, créé pour informer la diaspora, va vite s’élargir et permettre ainsi aux Guinéens d’avoir un espace où débattre sans risque : « non seulement il y avait le site, mais aussi un forum, une plateforme qui a permis aux guinéens d’échanger sur des sujets d’actualité. C’était vraiment une nouveauté, parce qu’il y avait des débats très houleux sur le forum qu’on ne pouvait dire sur le terrain », explique le Coordinateur et chef de bureau de Guineenws, Amadou Tham Camara.

Amadou Tam Camara, Coordinateur de Guineenews. CF DAB

Si la liberté d’expression est le moteur de tous les autres droits de l’homme, en Guinée la presse est peut-être la pièce fondamentale pour le fonctionnement de ce moteur.

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