Le mariage peulh, « les cousines sont faites pour les cousins »

Article : Le mariage peulh, « les cousines sont faites pour les cousins »
Crédit: Bountou Raby Bah
12 juin 2021

Le mariage peulh, « les cousines sont faites pour les cousins »


Je suis né à Boké, après dix ans de mariage entre mes parents. Ce qui rend mes parents très circonspects sur les décisions qui me concerne. Issu d’une famille très conservatrice, de religion musulmane et de tradition peulh. En voyant mon attachement aux études, cet amour de la modernité plutôt qu’à la tradition, mon père a pris des mesures avant que j’obtienne le baccalauréat, pour rester seul et annihiler toute culture de tradition ou de religion.

Une mesure toujours évidente et habituelle dans ma communauté dont le dicton est : « Les cousines sont faites pour les cousins.». C’est ainsi qu’il choisit la fille d’un oncle avec qui je vais me marier, et ce, dès mon arrivée en terminal (lycée), en me disant que ’’c’est dans mon intérêt’’. Justifiant le choix du fait que ma cousine Mariame n’est pas allée à l’école, qu’elle a une culture traditionnelle et un amour indéfectible pour le Coran. Ce choix est fait et décidé par mon oncle et mon papa sans en informer nos mères, ni ma cousine et moi.

Mon histoire d’amour

Ce faisant, il s’est trouvé qu’après l’obtention de mon BEPC, j’étais en concurrence avec une fille nommée Saoudatou. Ce qui a alimenté notre relation, c’est qu’elle ne me considérait pas comme un adversaire. Tandis que le monde qui nous entourait et moi-même parfois voulaient nous mettre en compétition. Mais nous avons su positiver. Car, nous nous rejoignions, l’un nourrissait l’autre. A chaque fois qu’elle était devant moi, je redoublais d’efforts pour la surpasser , et vice-versa.

Saoudatou, hormis son talent pour les études a comme moi le soin le plus ardent, de terminer ses études et de faire carrière avant de s’engager en couple. Mais hélas ! Notre concurrence et notre amitié se transforment de plus en plus en amour. On décide alors de se l’avouer. Je l’ai demandé en mariage, et sans la plus petite anicroche, elle a répondu favorablement à la demande. Mais il faut déjà parler aux parents, pas seulement les informer mais les convaincre d’accepter pour espérer leur bénédictions. Je m’engage en premier.

_Moi : Papa, maman, je veux vous dire une chose. La fille avec qui vous me voyez, celle avec qui je discute la première place à l’école, nous voulons nous marier.
_Papa : C’est nous tes parents qui décidons et tu respectes. Alors c’est non ! Primo, c’est avec ta cousine que tu vas te marier, on a conclu cela, ton oncle et moi, depuis ton enfance. Deuzio, notre religion interdit que tu te maries avec une fille avec qui tu as eu une relation avant.
_Moi : Mais papa …
_Papa : Et puis je n’ai pas fini, ne m’interromps pas. Oublie cette fille. Mariame est la mieux éduquée, elle a du respect pour ta mère et moi, elle mémorise le coran. Quand vous vous marierez, elle te respectera et t’obéira car elle n’a pas étudié pour avoir un emploi équivalent, voire plus élevé que le tien.
Ma maman ne pouvait rien dire, au risque qu’on l’accuse d’être en connivence avec moi.
Je n’en revenais pas, j’ai tenté tout de même de le ramener à la raison, en lui expliquant que je n’ai jamais été associé à cette décision, et qu’il s’agit de ma vie. Mais il est ferme sur sa décision.

Saoudatou à son tour est partie rassembler sa famille (sa mère Yayé Oumou et ses frères Gando et Koto Ibrahima l’ainé).

_Saoudatou : Maman je vous ai réuni pour vous dire que quelqu’un m’a demandé en mariage et j’ai accepté.
_Yayé Oumou : Alhamdoulilahi ! c’est qui ce béni monsieur ?
_Saoudatou : Il vient ici souvent c’est mon ami Diarouga dont je discute la première place au lycée.

Le ton change déjà, mais cela ne pouvait clore un tel échange.
_Ibrahima : Comment est-ce possible ? Alors que vous étudiez, en plus vous êtes au même niveau à l’école.
_Saoudatou : Le mariage se fera dès qu’on sera à l’université. Dès qu’on aura un emploi avec quoi joindre les deux bouts, ou on attendra plutôt la fin de nos études.
_Gando : C’est impossible oublie cela ! Comment peux-tu rester non mariée jusqu’à l’université, alors que ton âge a avancé, et que toutes tes amies sont déjà mariées. Et comment vas-tu continuer tes études à l’université si tu n’as pas un mari pour te soutenir ? Alors que nous n’avons pas les moyens.

_Yayé Oumou : Hormis cela, comment peux-tu avoir la confiance qu’il te mariera lorsqu’il aura les moyens ?
_Saoudatou : Je suis prête à mettre ma main au feu pour ce garçon. J’ai une confiance absolue en lui. Et puis ce n’est pas un garçon comme les autres. Il est intelligent et soucieux de son avenir.
_Yayé Oumou : Ca suffit ! Ce qui te trompe, c’est ta naïveté ! Tu ne vois pas que t’as les 20ans et le même âge que ce garçon ? ne sais-tu pas que chez nous quand une fille à plus de 20ans c’est difficile pour avoir un mari ? a fortiori si elle est étudiante ou diplômée. Ce garçon te snobera dès qu’il aura les moyens afin de prendre une fille plus jeune que toi. Alors je dis non !

Alors, nous avons cédé à la tentation de les convaincre mais pas question d’abdiquer à notre amour. Nous avons juré alors de se marier quoi qu’il arrive. Mais avant ayons le baccalauréat et cherchons de travail d’abord

De la tradition aux vérités suréelles, cela n’altère que nos sentiments

Crédit photo : Bountou Raby Bah

Après l’obtention de notre baccalauréat, on est orienté à Conakry, mais c’est devenu de plus en plus cruel et un véritable casse-tête pour nous. Car mon père a cessé de me financer. Chez Saoudatou, ça devient dur, car sa maman la blâme toujours. Elle (sa mère) a même menacé de couper les ponts avec elle.
A voir ces réalités qui nous séparaient de nos parents, et la vie qui est extrêmement difficile à Conakry, nous n’avons pas eu une alternative que d’abdiquer dès notre troisième année de licence. Il faut dire que ces raisons (normales) pour nos parents ont privé deux vies de se souder, de continuer de s’amouracher. Elles ont altéré tout projet de deux personnes ayant une vision commune.

Ce genre de facteurs est d’ailleurs la cause de plusieurs frustrations, tant chez les parents que chez les jeunes en Guinée, particulièrement dans ma communauté peulh.

Alors si vous savez que vous n’allez pas échappé. Choisissez vite parmi vos cousins ou vos cousines avant qu’on ne vous en flanque un.

En tout cas, si vous avez cet amour de la modernité plutôt que de la tradition, vous êtes averti.

NB : ceci est une histoire fictive

Auteur : Diarouga Aziz Balde

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Commentaires

Komlan KOFFIVI
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J'en sais un peu.

Diarouga Aziz Balde
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Merci pour le témoignage president ??